- « Sugar Cane Alley », Canadian Dimension, Vol. 40, no2, mars/avril 2006, p. 60.
Critiques :
- Le premier long métrage de la réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy avait fait sensation lors de sa sortie en 1983. Aujourd’hui, Rue Cases-Nègres demeure un film débordant d’amour et d’optimisme, un classique universel sur l’âge tendre réalisé sous le parrainage de François Truffaut dont on retrouve le même attachement à retranscrire le quotidien fait d’insouciance et de jeux des enfants. En adaptant le roman éponyme de Joseph Zobel, Euzhan Palcy réalise un devoir de mémoire toujours aussi vibrant en se penchant sur une page de l’histoire coloniale de France. D’une authentique justesse, sans jamais donner de jugement et ne faisant aucune concession, Euzhan Palcy donne à découvrir un visage souvent oublié de l’histoire de France grâce à une approche documentaire d’où émane la douceur de ses interprètes principaux, Darling Légitimus (prix d'interprétation à Venise) et le jeune Garry Cadenat (José) dont la complicité laisse souvent pantois. http://cinema.jeuxactu.com/critique-cinema-rue-cases-negres-1-11957.htm, page consultée le 2 janvier 2011.
- Cette chronique des années de formation d’un jeune Martiniquais est tout autant description sociale que psychologie d’une époque et de personnages à tout jamais marqués par l’Histoire. Au terme d’un demi-siècle d’« évolution », l’image coloniale léguée par nos ancêtres n’a pas encore fini d’entacher la réalité présente de ses dangereux clichés. (…) En fait ce film d’auteur, Rue Cases-Nègres est surtout un film au scénario édifiant, à la structure narrative hyper classique et qui diffuse des sentiments que le public s’est fait ou se fera un plaisir de partager. C’est, pourrait-on dire, Le Petit Prince version martiniquaise. (…) Euzhan Palcy est avant tout une conteuse qui, dans Rue CasesNègres, fait appel à la mémoire collective d’un peuple. Le film assure, grâce à un travail patient avec les acteurs, un jeu naturaliste, un souci de toucher le plus grand nombre, quelques moments d’une grande sensibilité. Cahiers du Cinéma, Octobre 1983.
- (…) L’enjeu véritable du film (…) réside dans la conquête d’une identité antillaise. Celle-ci se fait en opposition et grâce au savoir délivré par les blancs. José est élevé à deux écoles, réunies en deux scènes successives qui font séquence; dans la première, M’man Tine demande à son petit-fils ce qu’il a appris à l’école : la différence entre préfecture et sous-préfecture; Creuse préfecture Guéret, sous-préfecture Aubusson. Dans la seconde, José apprend de monsieur Médouze ce que sont l’eau, le feu, la vie, la mort. Paradoxe pour pouvoir conserver cette tradition, José devra faire un crochet par le savoir des « békés ». Et ce savoir, c’est surtout la maîtrise de la langue française.
- (…) du point de vue de la tradition, Rue Cases-Nègres illustre les trois étapes de l’expression de la conscience antillaise : la première est celle de la tradition orale, transmise, dans le film, par Médouze ; la seconde est la tradition écrite, le message du vieillard passant dans le roman de Zobel (roman qui sera étudié dans ces écoles que montre le film); la dernière étape est celle de l’expression filmique, le roman devient film; et l’allusion à la salle de cinéma n’est pas seulement un clin d’œil de cinéphile; c’est surtout le décor à venir où pourra se déployer la tradition; il est clair que dans cette même salle sera (est) projeté Rue CasesNègres. Rarement l’idée de tradition est esquissée avec autant de précision et de concision. Le trajet de la conscience d’un peuple reproduit celui, individuel, de l’enfant, de la cour devant la case jusqu’à la cour de l’école et à un hall de cinéma. (…) Olivier Curchod, Positif, n°273, novembre 1983.
- (…) Non seulement la réalisatrice a su garder humour et mesure, mais elle n’assène aucun message. Elle se contente de raconter une histoire, tout simplement, et de montrer sans appuyer. Et, du coup, on est de plain-pied avec ses personnages, au lieu de les regarder de loin, comme dans trop de films du tiers monde. (…) Un rare exemple de film adulte, intelligent et sensible sur le colonialisme. Annie Coppermann, Les Échos, 22 septembre 1983.