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Rodrigue TCHASSEM: cinéaste d'origine camerounaise

Q : Comment s’opèrent vos débuts dans le cinéma ?
R : Le cinéma c’est une passion que j’ai depuis l’enfance, j’aimais regarder les films. J’ai suivi une formation en montage audiovisuel dans un studio de la place, dans la ville. J’ai d’abord appris à faire des montages, de courts reportages, des petites séries, de petits spots publicitaires. Après trois ans de formation, je me suis inscrit à l’Université de Yaoundé I, dans la filière Arts du spectacle et cinématographie. C’est une filière du département des Arts et de la culture à l’Université de Yaoundé I, au Cameroun. C’est là que je débute une vraie formation professionnelle.
 
Q : À l’heure actuelle, vous avez réalisé combien de films ?

R : J’ai réalisé déjà quatre courts métrages.
 
Q : Pourquoi écrire et réaliser en langue française ?

R : C’est la langue dans laquelle je m’exprime le mieux et c’est la langue la plus utilisée au Cameroun.
 
Q : Quel livre, déjà publié, souhaiteriez-vous porter à l’écran, si l’occasion vous était donnée ?

R : Je parlerai de la pièce de théâtre, Bintou, de Koffi Kwahulé… J’ai voulu rentrer en contact avec l’auteur de cette pièce pour pouvoir faire une adaptation. Parce que j’ai fait la mise en scène de cette pièce pour participer au prix de théâtre international. J’aimerais bien voir Bintou de Koffi Kwahulé en cinéma, moi ça me plairait bien.
 
Q : Comment percevez-vous le cinéma au Cameroun ?

R : Curieusement, le cinéma va très mal dans notre pays, mais le nombre de cinéastes, réalisateurs, va plutôt croissant. C’est un peu curieux. Les gens continuent de croire que demain ça va changer, parce qu’il y a beaucoup plus de passion, il y a tellement de films qui sont faits mais malheureusement il n’y a pas de plateforme de visualisation pour regarder. Les jeunes aiment tellement le cinéma, lorsqu’il y a une occasion où ils peuvent se mettre ensemble pour regarder, c’est vraiment foule, on comprend qu’ils sont vraiment passionnés. Malheureusement, le gouvernement n’a pas mis en place une politique pour permettre le développement et la formation du cinéma, or il y a pourtant,  vraiment, de la passion.
 
Q : Quels maux minent actuellement ce cinéma ?

R : D’abord la formation. Pour faire du bon cinéma il faut être formé. Il faut savoir ce qu’on fait, quels sont les canons, quelles sont les règles. Comment le cinéma doit être fait ? Si on est formé, on fera un bon cinéma, qui plaira forcément aux gens et que nous pourrions donc vendre, nous créer un marché. Après la formation, il faudrait qu’une politique soit mise en place afin de donner les moyens aux passionnés, à ceux qui veulent le faire de pouvoir se former. Ensuite c’est le marché, comment distribuer les films, comment faire voir les films qui sont produits par ceux qui se battent bien pour le faire ? Les jeunes ne se forment pas. Tous ceux qui se forment pour la plupart sont ceux qui se lancent par la passion tout simplement. On a une camera, un angle de montage, des amis, on écrit une petite histoire et on prend la caméra et tout, et on se dit cinéaste, cinéaste… Or il faut bien une formation pour savoir les canons, comment cela se passe… La politique mise en place ne permet rien pour pouvoir former même ceux-là qui sont passionnés. Rien n’est véritablement fait. C’est vrai qu’aujourd’hui on peut quand même citer quelques éléments, mais ce n’est pas encore suffisant. Il n’y a pas de marché, la distribution…
 
Q : Selon vous, quelle place occupe le cinéma camerounais en Afrique ?

R : Si on essaie de repartir dans l’histoire du cinéma camerounais, je dirai qu’il a occupé pendant longtemps une place très importante en Afrique. Avant, le Cameroun était véritablement un grand secteur de distribution, lorsqu’il y avait encore la société qui aidait à la distribution… Le Cameroun était une plateforme très importante dans le cinéma en Afrique parce qu’auparavant il y avait beaucoup de salles de cinéma, on annonçait plus d’une vingtaine, et les films… Il y avait de grands distributeurs basés au Cameroun et qui arrivaient au Cameroun avant de circuler dans l’Afrique centrale même. Le gouvernement en ces temps-là avait mis sur pied une très grande structure qui aidait à la production cinématographique. Aujourd’hui il est difficile de dire réellement quelle est la place du cinéma camerounais en Afrique. J’ai comme l’impression de vouloir dire qu’en Afrique on ne compte plus trop sur le cinéma camerounais, pourtant il y a des cinéastes qui se démarquent bien sur, mais est-ce qu’on peut tabler sur ceux-là pour parler du cinéma camerounais ? On ne trouve que des individus qui se démarquent par un film certes, mais il n’y a pas de marché, il n’y a pas de distributeur du cinéma camerounais au Cameroun. Donc pour moi le cinéma camerounais n’a plus sa place véritablement, parce qu’au Cameroun on ne distribue pas, on ne trouve pas de grands producteurs, même s’il y a quelques cinéastes camerounais qui se démarquent justement par leurs films.
 
Q : Comment ça se passe, pendant vos tournages ?

R : Pour pouvoir tourner c’est d’abord la passion. Si on n’est pas passionné, impossible de le faire. Parce que généralement c’est un individu qui veut faire son œuvre, alors c’est lui qui trouve les moyens, parce que c’est difficile même d’avoir des financements, des sponsors. Parce qu’on sait que la finalité sera quoi… Si on sait qu’il n’y a pas de finalité, si on sait qu’on ne peut pas le vendre, donc forcément aucun bailleur de fond, aucun homme d’affaires, aucune entreprise ou structure ne peut être d’accord pour pouvoir donner une quelconque contribution. Donc forcément ce sont des passions personnelles, comme moi par exemple. Pris par la passion de vouloir réaliser un film, donc à ce moment-là c’est nous qui gérons tout. On peut appeler X ou Y s’il peut nous aider, soit à la caméra, soit à l’éclairage, soit au son, en formant une équipe. Et maintenant avec les acteurs, c’est la même chose. Du moment où il n’y a pas véritablement un casting qui est créé, qu’il n’y a pas un contrat qui est arrêté, forcément ça se passe par relations et par supplications. Ne pouvant payer les techniciens ou les acteurs nous sommes obligés de subir leur caprices, de les supplier. Donc à ce moment il faut gérer les humeurs des acteurs sans se fâcher, gérer les humeurs des techniciens parce qu’on leur donne simplement quelque chose de symbolique. Ce n’est pas vraiment professionnel, parce que si c’est professionnel il faut donner les droits de chacun, les devoirs… Forcement le rendement n’est pas tel qu’on l’attendrait, de ce fait. Les tournages sont donc vraiment difficiles à gérer. Déjà que le matériel nécessaire n’est pas mis à disposition, si on a la caméra pour un jour, on ne peut vraiment pas tout faire…
 
Q : Quels soutiens avez-vous reçu pour la réalisation de vos films ?
R : J’ai écrit, on a déposé, et… On n’a pas véritablement de soutien. On peut demander la caméra… On peut voir les amis, qui sont inscrits à l’école du cinéma à l’Université, s’il y a des comédiens… Demander leur aide. S’il faut attendre le soutien vraiment c’est difficile, on ne peut rien faire.
 
Q : Quels sentiments vous animent face à la projection des films camerounais dans les centres culturels français et les instituts Goethe, suite à la fermeture des salles de cinéma au Cameroun ?

R : Ce n’est que la conséquence logique, si on ne forme pas les gens, forcément il n’y aura pas de production. Si on ne met pas une politique en jeu pour pouvoir produire les films et les réaliser, forcément on voudra prendre les films de l’extérieur, pourtant ça coûte cher. Et forcément les salles vont fermer. Donc c’est encore la preuve qu’il n’y a pas de politique véritable, si le gouvernement avait les moyens de pouvoir non seulement créer les salles mais permettre que même les hommes d’affaire qui créent des salles puissent toujours les mettre en œuvre… Il n’y a pas de politique pour cela, et non seulement on augmente les taxes, alors qu’on ne permet rien pour pouvoir les aider dans ces salles-là, raison pour laquelle ils ferment. Les films de l’extérieur coûtent extrêmement chers, or s’il y a des productions locales, les camerounais se reconnaissent dans ces productions et font foule dans les salles. Aujourd’hui il y a les DVD, un film qu’on veut programmer en salle, 2500 francs CFA l’entrée, on le prend à 500 francs CFA le DVD, donc forcément les salles vont fermer, puisque les gens ne viendront pas. S’il n’y a pas de formation, il n’y a pas de production, alors forcément les salles ferment.
 
Q : Comment vos films sont-ils perçus par le grand public ?

R : Pour mes films, je pourrai dire sans vouloir me vanter que le public camerounais adore le cinéma. Parce qu’à chaque moment de rencontre, il y a foule. On essaie de faire comprendre ça au gouvernement qui ne veut pas le reconnaître. Les camerounais adorent le cinéma. Les films que j’ai faits, j’ai gagné des prix. Par exemple le Festival International du Film École, ici à l’Université, l’année passée. J’ai eu le prix du public et le prix du meilleur scénario. Les films sont accessibles parce qu’il y a un travail de fond qui est fait avec les enseignants, avec les formateurs que nous avons. On peut vraiment faire quelque chose si on a le soutien, parce que le public camerounais adore regarder les films camerounais. Lors des manifestations des films à l’exemple des festivals qui sont organisés, ils sont nombreux à être là. Si vous allez au Festival Écrans Noirs, si vous arrivez au Festival de Yaoundé tout court, si vous arrivez à Mis Me Binga… Les Camerounais sont nombreux, présents, les salles ne sont pas vides.
 
Q : Quels rapports entretenez-vous avec votre public ?

R : Moi, j’ai un public qui est conquis, parce que je suis à l’Université. Ils ont aimé mon film Une longue histoire, le prix de la meilleure comédienne est sorti de ce film. Ils ont aimé tous mes quatre films. Même lorsque je lance un casting pour un film que je veux faire, ils sont nombreux à être là parce qu’ils savent que je suis un réalisateur confiant, les films que j’ai faits, ils les ont vu, regardé… Le public est vraiment conquis. Quand on obtient le prix du public, cela veut dire que le public accrédite votre travail.
 
Q : Êtes-vous victime de votre célébrité ?

R : Non.
 
Q : Êtes-vous satisfait de votre parcours ?

R : Mon parcours ne fait que commencer. Je suis au début de ma carrière, je suis encore jeune. J’entends encore faire beaucoup. N’eut été les moyens, j’aurais déjà fait beaucoup de choses. J’entends faire plus que ça, donc je ne suis pas encore satisfait. Les quelques petites projections que j’ai faites déjà sont encourageantes, vu la réaction du public, mais je ne suis pas encore satisfait, je peux encore faire plus que cela.

Auteur(s): Caroline MESSA WAMBÉ

Soumis par Caroline Messa Wambé le

Francis KENGNE: cinéaste d'origine camerounaise

Q : Comment s’opèrent vos débuts dans le cinéma ?
R : Personnellement, je commence à aimer le cinéma parce que je suis à la base poète et en tant que poète, je me rends compte que le livre africain n’est pas beaucoup lu, il faut que je trouve un moyen par lequel je pourrai davantage toucher pas mal de monde. C’est ainsi que je rencontre le cinéma.
 
Q : À l’heure actuelle, vous avez réalisé combien de films ?
R : Actuellement j’ai réalisé deux courts métrages, que j’ai écrit, produit et réalisé. Pour parler de ma filmographie, j’ai été premier assistant-réalisateur sur un autre court-métrage, d’un collaborateur, cinéaste camerounais. Premier assistant-réalisateur également sur un long métrage germano-camerounais et directeur casting sur un autre film, franco-camerounais, qui vient de finir, il y a juste quelques semaines. Je suis en postproduction pour mon premier documentaire intitulé Des maux métis, et j’ai aussi travaillé comme directeur photo et coproducteur sur un autre documentaire qui s’intitule Fan’s, de Gervais Djimeli. Documentaire qui a d’ailleurs été diffusé il y a quelques jours au grand festival de Yaoundé en Fête !
 
Q : D’autres réalisations suivront-elles ?
R : Evidemment ! Actuellement je suis en préparation de mon tout premier long métrage, qui traitera du tourisme camerounais. J’ai aussi deux autres projets. Le premier, franco-camerounais, débutera certainement au mois de mars. Le second est celui d’un confrère camerounais qui souhaite que je réalise son film. Ce sont les deux projets pour lesquels je suis sollicité pour le moment, et nous ne sommes qu’au début de l’année. En dehors de ces projets, j’ai mon long-métrage en préparation. J’espère pouvoir le tourner, si tous les moyens sont réunis, en novembre 2013.
 
Q : Pourquoi écrire, réaliser et produire en langue française ?
R : Parlant de ma langue maternelle, c’est sans prétention que je vous le dis, je ne m’en sors pas, je ne maîtrise pas vraiment toutes les techniques de cette langue. C’est vrai aussi que la langue française, je ne la maîtrise pas entièrement, mais au moins c’est la langue connue de tous ici, ce n’est qu’en français, que nous pouvons, au Cameroun, mieux nous comprendre. Du moins, pour le moment. C’est vrai que dans chaque scénario que j’écris, depuis mon deuxième film, j’essaie toujours de mettre la langue vernaculaire quelque part pour essayer d’identifier l’origine ou encore l’appartenance de ces films, et donc de référencer ma culture. Pour ce qui est du long métrage en préparation, je vous le dis directement, je suis en train de préparer un travail qui va me permettre d’inclure des langues vernaculaires camerounaises dans ce film. Il faut bien que je voyage à travers les peuples, à travers les différentes régions du Cameroun. Mais la langue française pour moi c’est juste parce que je n’ai pas d’autre choix. Dans les familles, c’est difficile de trouver un papa et une maman qui s’asseyent et qui enseignent à leurs enfants des langues vernaculaires. Beaucoup plus le français et l’anglais sont celles que nous maîtrisons véritablement.
 
Q : Quel livre, déjà publié, souhaiteriez-vous porter à l’écran, si l’occasion vous était donnée ?
R : Je dirai sans ambages Ville cruelle d’Eza Boto.
 
Q : Comment percevez-vous le cinéma au Cameroun ?
R : Il y a un certain engouement, la jeunesse s’active, quoi qu’on dise. Beaucoup de personnes commencent à croire qu’il existe véritablement de jeunes talents au Cameroun. Maintenant la perche est tendue pour que les pouvoirs publics, les institutions, les organismes et les entreprises puissent nous accompagner dans le dur travail qui est le nôtre. Sinon, pour nous, c’est un amusement constant, de façon incessante, nous nous amusons et en s’amusant on prend du plaisir à pouvoir communiquer, à pouvoir parler de nous, de notre histoire, parler de nos mœurs, du moins partager notre culture parce que ce n’est qu’à travers le cinéma que nous pouvons véritablement partager ce que nous avons.
 
Q : Selon vous, quelle place occupe le cinéma camerounais en Afrique ?
R : Je ne saurai qualifier la place du cinéma camerounais en Afrique parce qu’il n’y a pas de politique culturelle au Cameroun et à partir de ce moment, c’est difficile pour nous, acteurs de ce secteur, de donner la place de notre cinéma. Nous nous sommes rendus compte, lorsque les films camerounais passent dans les festivals, surtout en compétition, que ce sont des films hauts de couleur, riches en qualité. Je crois que pour cette année, il y a 44 films camerounais qui sont présélectionnés pour le FESPACO. Malheureusement, il y a aucun film, du moins je n’ai pas encore la véritable information, pour savoir s’il y a des films en compétition ou non. Toutefois, devant la diffusion de ces films, beaucoup sont intéressés. La société camerounaise est tellement riche, parce que nous sommes, comme nous le disons souvent et comme l’histoire aussi le reconnaît, l’Afrique en miniature. Nous avons plus de deux cents ethnies, c’est plus de deux cents cultures différentes. Et au sortir d’une grande fiction, quand on réussit à lier, à mélanger ces cultures-là, ce n’est que quelque chose de très fort qui en ressort. La place du cinéma camerounais, je dirai tout simplement que c’est une place qui pour le moment n’est pas encore définie mais dans cinq ans, on connaîtra véritablement quelle est la place du cinéma camerounais. Parce que contrairement au Nigéria qui a choisi de faire son cinéma pour attirer son public, le cinéma camerounais cherche encore ses repères.
 
Q : Le cinéma africain de même que la littérature africaine, d’ordre général, peint les réalités sociales des contextes géographiques auxquels l’œuvre se rattache. Comment percevez-vous cette étroite relation réel/imaginaire, que l’on reproche souvent aux réalisateurs et auteurs africains ?
R : C’est beaucoup plus au niveau des documentaires que personnellement, je mets un accent sur le réalisme. Mais dans mes fictions, je vais toujours chercher loin. C’est vrai que beaucoup de gens s’identifient dans ce que je fais, mais je vais chercher toujours un peu loin. Parce que si nous n’anticipons pas, nous ne pourrons pas construire une Afrique positive. Je prends l’exemple de la ville de New-Bell, avec ses tas de poubelles, ou encore ses tas d’ordures versées sur le trottoir, alors que nous sommes en train de combattre ce genre de choses. Pour moi il serait beaucoup plus important de présenter une ville de New-Bell qui donne envie à n’importe qui d’aller y vivre, de présenter une ville propre...
 
Q : Comment  se passent vos tournages ?
R : Il règne une ambiance très sereine. Surtout que dans la préparation, nous donnons, en fonction des postes réels des responsabilités et, chacun dans son entité connait et accomplit sa tâche. C’est sur cette base que nous descendons sur le terrain. Lorsque quelqu’un n’arrive pas à remplir véritablement ses fonctions, lorsque nous faisons le débriefing dans la soirée, on le ramène à l’ordre de façon à ce qu’il puisse prendre conscience qu’il n’a pas assuré au niveau de son poste, c’est aussi ça une équipe. Lorsqu’il y a un maillon faible c’est tout le monde qui est faible. Donc nous nous arrangeons de façon à ce que la force soit commune, que nous ne remarquons pas les fautes et les défaillances des uns et des autres. C’est donc véritablement en équipe que nous travaillons.
 
Q : Quels soutiens avez-vous reçu pour la réalisation de vos films ?
R : Jusqu’ici, toutes les productions que j’ai faites, toutes mes réalisations, je n’ai reçu aucun financement, que ce soit des institutions, du gouvernement camerounais, du Ministère de la culture... Nous nous battons pour faire avec le peu de moyens que nous avons et pour mémoire, il y a juste deux mois que j’ai reçu la dernière tranche du paiement par rapport à ma prestation dans un film produit en 2010. Du coup, c’est assez difficile pour nous de produire, heureusement que nous aimons ce que nous faisons... Nous nous lançons non pas en sachant ce que nous allons gagner, mais plutôt en nous posant la question de savoir : est-ce qu’à la fin le public sera satisfait de ce que nous faisons ?
 
Q : Quels sentiments vous animent face à la projection des films camerounais dans les centres culturels français et l’institut Goethe ?
R : C’est un sentiment de fierté. Quand je parle de sentiment de fierté, c’est parce que, personnellement, les deux films que j’ai écrit, produit et réalisé y ont été diffusés… Un grand standing ovation lors de la diffusion à l’institut Goethe. Mes films sont diffusés au centre culturel français, dans le cadre des festivals du cinéma, à l’instar de la nuit du court-métrage et du festival de Yaoundé. Donc il y a un engouement, il y a beaucoup de personnes qui ne rêvent que de faire du cinéma lorsqu’ils regardent le travail que nous faisons. Je voudrais signaler qu’il y a beaucoup de production au Cameroun mais très peu font des productions qui sont acceptables, qui respectent les normes internationales.
 
Q : Tout réalisateur peut-il, s’il le souhaite, être également un scénariste ?
R : Je ne le pense pas. Tout simplement parce qu’être scénariste, ce n’est pas une tâche facile. Ce n’est pas une évidence, mais au moins il faudrait que tout réalisateur soit à mesure de pouvoir lire entre les lignes, de pouvoir interpréter un scénario. Il faut que le scénario soit compris par lui, sinon sa vision technico-artistique peut être tronquée. Lorsque je signe scénariste et réalisateur, c’est tout simplement parce que l’environnement dans lequel je me trouve me le permet… Étant donné les moyens que nous avons ici pour la production, cet environnement ne nous permet pas de commander aisément ou encore de pouvoir acheter un scénario avant de le réaliser. Comme j’ai des compétences dans la scénarisation, je me lance, me disant qu’il faut que je le fasse, même comme c’est quelquefois difficile de convaincre certaines personnes… Avec les différents films que j’ai faits, j’ai eu la possibilité ou encore l’amabilité de rencontrer quelqu’un qui a apprécié ma façon d’écrire et c’est avec lui que j’écris mon premier long métrage…
 
Q : En écrivant vos différents scénarios, vous pensiez déjà en faire des films ? Avez-vous pensé à vous faire publier ?
R : Non, je n’écris pas pour être publié. C’est vrai que pour le moment, je suis en chantier avec mon premier roman, mais je n’ai pas la prétention de dire que je suis écrivain. Mais seulement, lorsque je prends ma plume en vue d’écrire un scénario, c’est que je maîtrise… Il faut qu’il soit réalisé.
 
Q : Avez-vous d’autres scénarios, encore inédits ?
R : Pour le moment, je ne peux pas vous donner le nombre exact, j’en ai beaucoup, au moins une vingtaine, de différents sujets, tels que la délinquance juvénile, le vol, les guerres de clans, les différents clivages qui existent entre « la jeunesse et la vieillesse »,… Là ça ce sont de thèmes que j’aborde dans les différents tableaux que je fais, parce qu’à partir du moment où j’ai du temps pour écrire, il vaut mieux que je le fasse et quand j’aurai la possibilité de produire, ce serait bien que je commence à produire véritablement et que je ne lésine pas sur les moyens.
 
Q : Le cinéma, véritablement septième art pour vous ?
R : Pour moi, c’est le premier, le summum de tous les arts parce que dans le cinéma on retrouve tous les autres arts. Il n’y a aucun art qui ne saurait trouver sa place dans le cinéma. Et quand on parle de septième art, il est au sommet. C’est vrai, il n’y a que le cinéma pour regorger, pour rassembler toutes les autres formes d’art, notamment la danse, le théâtre, la peinture, l’écriture… Tout se retrouve dans le cinéma. Et aujourd’hui, pour être contemporain, il faut savoir faire un savant mélange de ces arts-là pour proposer quelque chose qui soit acceptable, que ce soit du point de vue d’un plasticien, du point de vue d’un écrivain, d’un dramaturge, de l’homme de la rue… Il faut vraiment que tout puisse se retrouver dans le cinéma, étant donné que nous avons pris l’habitude de définir le cinéma comme étant la culture d’un peuple, il est essentiel que tout ce qui est culturel passe par le cinéma.
 
Q : Quel genre de film vous intéresse le plus ?
R : Je n’ai pas de préférence pour un genre particulier, parce qu’à la base je suis poète, et c’est par la poésie que je fais passer mes messages.
 
Q : Avez-vous des modèles de réalisateurs, producteurs ? Si oui, lesquels vous influencent ou pourraient vous influencer ?
R : Oui ! Celui qui personnellement m’influence, pour parler du cinéma camerounais, c’est Jean-Pierre Bekolo. C’est quelqu’un dont la force du travail, la force de la pensée, la cohésion dans ses plans et la façon avec laquelle il réussit à passer son message, me séduisent énormément. A côté de lui, pour parler de l’Amérique, j’affectionne beaucoup ce que fait James Cameron.
 
Q : Trouvez-vous facilement vos collaborateurs, l’offre est-elle proportionnelle à la demande ?
R : Pour la plupart d’entre eux, nous avons déjà travaillé ensemble, et pour ceux avec lesquels je n’ai pas encore travaillé, je demande toujours à voir non pas leur CV, parce qu’il y a beaucoup de personnes qui mettent plein d’informations dans les CV qui n’ont pas de sens. Elles mettent des informations dont parfois elles-mêmes n’ont pas connaissance… Du coup j’aime toujours prendre les supports de ceux qui disent avoir fait des travaux, et j’apprécie ces travaux. C’est sur la base de ces travaux que je décide de leur faire confiance avant qu’ils fassent de tests supplémentaires.
 
Q : Comment vos films sont-ils perçus par le grand public ?
R : De façon générale, mes films sont appréciés. Surtout mon premier film, sur un fait de société. Beaucoup de personnes se sont reconnues dans les personnages et aspects du film, ce qui m’a véritablement surpris. Pour mon deuxième film, j’ai traité du sida, j’ai eu une certaine démarche, parce qu’en fait j’avais choisi de banaliser le sida, je ne comprends pas comment est-ce que de nos jours il y a beaucoup de campagnes qui sont menées pour amener les gens à comprendre que le sida tue alors qu’à côté, il y a le paludisme qui tue plus que le sida, le cancer, le diabète aussi… Pour moi il était donc question de banaliser le sida, de montrer que c’était un mal qui peut se vivre comme un autre… Il fallait que l’on repense la façon dont le sida est perçu. Pour moi ça a été beaucoup plus une expérience quand je me suis lancé. Le public n’a pas réagi comme je le pensais… Cependant, lorsque les gens regardaient le film une, deux, trois fois, ils me disaient : enfin, j’ai compris ! C’est un peu comme ça que ce film a été apprécié.
 
Q : Avez-vous un public d’abonnés ?
R : Je pense qu’il y a une centaine de personnes qui suivent essentiellement mes travaux. Mais, lorsque je fais un film, ce n’est même pas pour eux en fait. Je fais un film juste parce que j’ai un message à passer, et quand je le fais c’est parce que le message c’est pour toutes les couches sociales, que ce soit les vieux, les jeunes, les enfants… Pour moi il est important que tous se retrouvent, qu’à côté de ma réflexion, mon regard, ma vision des choses sur le sujet traité, chacun trouve son mot à dire. Pas forcément selon mes prises de positions, mais que quelqu’un qui le regarde jusqu’à la fin, ait son mot à dire sur tous les films que j’ai déjà présentés.
 
Q : Avez-vous connu des problèmes de censure ?
R : J’ai des collaborateurs qui ont connu des problèmes de censure, mais moi pas encore. Certainement parce que je ne suis pas encore allé titiller le gouvernement camerounais là où il faut, ou aussi parce que je n’ai pas encore présenté de façon crue la nudité du corps de l’Homme qui pour moi est sacrée. Dans mes travaux, j’essaie tant bien que mal, en tant qu’Africain, de revendiquer mon africanité, ma culture africaine. C’est vrai qu’aujourd’hui il y a la promiscuité, mais il faut que chacun d’entre nous, dans son travail, puisse permettre qu’on l’identifie. Toutefois, je serai beaucoup flatté de savoir que j’ai été censuré parce que j’ai touché un sujet qu’il ne fallait pas... J’aimerais bien mettre à mal plusieurs personnes, plusieurs institutions.
 
Q : Vous êtes installé au Cameroun, à Yaoundé plus précisément, est-ce exact ?
R : Je suis installé à Douala. Mais l’association cinéma du Cameroun, à laquelle je suis rattaché et avec laquelle nous avons lancé la plateforme cinemaducameroun.com, a son siège social à Yaoundé. Je suis par conséquent constamment entre Douala et Yaoundé, mais, je vis, réside et travaille beaucoup plus à Douala qu’à Yaoundé.
 
Q : Vivez-vous de votre art ?
R : Oui. Je le dis sans ambages, je vis de mon art.
 
Q : Le métier d’artiste est une occupation majeure, qui mène à la notoriété, dans de nombreux cas. Comment vos proches vivent-ils cela ?
R : Les débuts ont été très difficiles… Je me souviens de ce qu’un grand-frère du cinéma m’avait dit, pour reprendre ses mots : « mon petit si tu penses pouvoir faire du cinéma, bienvenue dans le monde de la pauvreté.» C’est en ces termes qu’il s’était exprimé et ça a été un choc pour plusieurs personnes de mon entourage, de ma famille même, des personnes directes, de se rendre compte que j’avais abandonné tout ce que je faisais, pour me consacrer uniquement au cinéma. Ça n’a pas été toujours facile et pour moi, c’est l’envie, la passion, la détermination, qui m’ont poussé à faire ce métier, à être ce que je suis entrain de devenir… C’est tout simplement pour leur démontrer qu’ils avaient tort de penser qu’en faisant le cinéma, je devrais mourir de pauvreté. Je sais ce que je fais et je l’assume pour amener aussi les autres à comprendre qu’on peut être artiste et vivre de  son art.
 
Q : Êtes-vous victime de votre célébrité ?
R : Pas du tout ! Mon nom peut-être oui, mais la plupart des personnes ne me connaissent pas. C’est parfois risible, à certains moments. Lorsque je me présente devant quelqu’un, je lui donne mon nom, Francis Kengne, il pouffe d’abord de rire, il se moque de moi, après il dit sérieusement, est-ce que c’est toi Francis Kengne, quand je dis oui, il est tout surpris parce que pour lui Francis Kengne c’est une personne importante, qu’il n’avait pas imaginé rencontrer au bout de la rue. J’aime être effacé, aussi. Il n’y a que lorsque je suis en plein tournage, que les gens essaient de se familiariser avec moi, de m’approcher… Et j’aime beaucoup discuter avec les gens, pour moi c’est très important, le contact… Les ambiances festives je ne les aime pas trop, je suis quelqu’un entre « de timide et de réservé », donc pour moi, je ne sais pas si je peux le dire ainsi : la notoriété, je ne l’ai pas encore.
 
Q : Êtes-vous satisfait de votre parcours ?
R : Je pense que je ne suis qu’au début, je n’ai pas véritablement un parcours, je cherche encore mes marques. Je me dis qu’il est important que je puisse me tailler une place dans la cour des grands, sauf que pour le moment, je suis un artiste qui est entrain de naître, comme j’aime souvent le dire.
 
Q : Parlant de festivals. Trouvez-vous qu’il en existe suffisamment pour promouvoir le cinéma camerounais ?
R : Pas véritablement. Au pays nous avons, à ma connaissance, quatre festivals, parmi lesquels le festival Écrans Noirs qui est le plus grand festival du cinéma de la zone francophone. Mais nous avons des festivals comme le Festival du documentaire, qui prend tous les genres et qui ma foi fait un travail assez osé pour démontrer qu’il y a du potentiel, qu’il y a du talent et un public qui veut suivre ce qu’on fait. Tout à côté, pour parler de fiction, il y a deux festivals de courts métrages, notamment la nuit du court métrage, qui fait ce même type de travail… Il y a les rencontres internationales du film court, à Yaoundé, qui fait aussi le même travail. Véritablement donc, il n’y a pas beaucoup de festivals au Cameroun, bien que les gens se plaisent à dire le contraire, se créent des festivals… Mais encore il faudrait que les promoteurs comprennent la nécessité de créer un festival. On ne crée pas un festival juste par plaisir, plutôt parce qu’il y a des choses qu’il faut présenter, il y a des gens qu’il faut rencontrer, il y a ce carrefour d’échanges qu’il faut valoriser.
 
Q : Est-ce difficile pour vous de participer à des festivals ?
R : Les festivals internationaux, oui ! Mais les festivals nationaux, c’est facile d’y participer. Le problème avec les festivals internationaux, c’est que les cinéastes camerounais n’ont pas les informations sur ces festivals… C’est ce à quoi nous avons pensé avant de lancer notre plateforme cinémaducameroun.com, c’est que nous recherchons désormais les différents festivals qui existent et nous communiquons les films pour que le public, les cinéphiles camerounais et les cinéastes surtout, puissent connaître l’existence de ces festivals et si possible envoyer leurs films.
 
Q : Comment votre jeunesse est-elle perçue dans ce milieu ?
R : Ce n’est pas du tout facile d’être accepté par les pairs. Certaines personnes ont l’impression qu’on est dans une espèce de réseau. Mais, pour moi, et d’ailleurs pour ceux qui me côtoient, c’est beaucoup plus la passion, le travail, l’amour pour le cinéma, qui sont mis en avant. C’est la raison pour laquelle je n’ai aucun souci à m’intégrer que ce soit sur un plateau de jeunes ou un plateau de vieux.
Pour ce qui est de la jeunesse à proprement parler… Étant donné que le numérique a pris le dessus, parce qu’il est plus facile de produire chez nous avec des outils numériques… À partir du moment où c’est donné à n’importe qui d’avoir une caméra vidéo sous la main, étant donné que les anciens avaient travaillé dans le sens où faire du cinéma n’était pas une histoire de pauvres, nous nous sommes dit qu’il fallait mettre l’accent sur la vidéo pour pouvoir proposer mieux, pour pouvoir montrer à la face du monde ce que nous pouvons faire. C’est donc grâce au numérique, grâce à la vidéo, que nous produisons beaucoup plus. En fait, très peu ou presque pas de films tournés au Cameroun sont tournés avec le format cinéma. Beaucoup de films sont tournés en vidéo. Et c’est donc par la suite que certains font le transfert pour obtenir le format cinéma.
Nous avons il y a quelque temps lancé une plateforme cinemaducameroun.com qui fait la promotion du cinéma camerounais. Et partant de là, j’ai plusieurs vieux du cinéma camerounais, notamment des patriarches, à l’instar de Paul de la Croix Edimo Dikobo qui ont fait de moi la personne indiquée pour discutailler de leurs contrats. Je suis une sorte d’agent, l’agent de plusieurs personnes au Cameroun.
 
Q : Les femmes s’intéressent davantage au cinéma de nos jours. Plus seulement comme actrices, mais aussi comme scénaristes, réalisatrices, productrices… Comment est-ce que vous percevez cela ?
R : Pour moi c’est une bonne chose, parce que cela permettrait le développement du genre féminin, cela permettrait qu’au niveau des droits de l’Homme, l’on comprenne pourquoi on dit que « la femme est égale à l’homme en droit et en devoir.» En dehors de la morphologie, pour moi il n’y a pas de différence entre un homme et une femme. Nous sommes tous des êtres humains, nous avons tous la même capacité, les femmes peuvent, au même titre que les hommes, créer, susciter des envies. D’ailleurs, j’ai un sujet de documentaire en préparation sur le sujet, que j’ai du arrêter afin de me concentrer sur le long métrage. Je ferai  un documentaire qui pour moi est une peinture sociale, où je révèle à la face du monde des femmes camerounaises très entreprenantes, qui ont entrepris beaucoup plus que les autres, en s’entêtant, parce que la société n’a pas accepté qu’elles s’engagent dans ce combat… Mais, au final, on a fini par accepter leur intégration, on les a prises comme telles, parce qu’elles ont prouvé qu’elles avaient de la niaque, du courage, de la volonté, qu’elles avaient la possibilité de faire ce dont elles avaient envie. Elles ont démontré qu’elles étaient, au même titre que les hommes des personnes à part entière. Pour moi, des femmes réalisatrices, c’est fabuleux ! Le projet français dont j’étais directeur de casting, c’est une jeune fille de vingt-quatre ans qui était réalisatrice sur le plateau. Elle s’appelle Françoise Ellong. Pour moi c’était touchant de voir une petite sœur venir sur le plateau et le diriger de la même façon que moi je le dirigerais. J’ai été séduit et ça m’a encouragé dans mes convictions, mes pensées, parce que pour moi la femme n’est pas différente de l’homme.
 
Mot de la fin : « Tout ce qui se rapporte au cinéma m’intéresse… Merci de l’intérêt pour ma personne.»

Auteur(s): Caroline MESSA WAMBÉ

Soumis par Caroline Messa Wambé le

Richie EN-DADA: cinéaste d'origine camerounaise

Q : Comment s’opèrent vos débuts dans le cinéma ?
R : J’ai commencé d’abord par le théâtre… J’ai créé un groupe, qui s’appelle Joy of friends, en français « La joie des amis ». J’ai suivi à la radio un communiqué lancé par une réalisatrice, Augustine Fouda de la CRTV, pour un casting. Par la suite, j’ai été plébiscité par l’ensemble du jury et tous les autres candidats, pour jouer le rôle de Bobby. Le titre c’est Seine de vie, pour parler de pureté. Après ça, j’ai commencé à faire des animations diverses dans des kermesses et spectacles. Dans les radios aussi, j’ai monté un groupe et nous animions les tranches humoristiques. Je suis le créateur du journal humoristique au Cameroun.
Après la FM 94 avec Les salauds du fou rire, j’ai créé une émission Le journal à Magic FM, une radio privée, à Yaoundé. Après Magic FM je suis allé à Sky Radio et j’ai créé Le journal bidjoî. Ensuite, j’ai voulu donner un caractère visuel à mes scénarios qui étaient déjà appréciés par le public. Je suis allé à Canal2international, une chaîne de télévision privée au Cameroun. J’ai proposé mes services et j’ai été accepté. Par la suite, je rencontre Parfait Zambo, à l’époque directeur de la production de Canal2international. J’écris des scénarios, je fais la prise de son, puis la caméra, ensuite le montage, je joue longtemps comme acteur, puis je commence à opérer comme 1er assistant réalisateur. Grâce au ministère de la communication sous l’ère Pierre Moukouko Mbonjoh, j’irai en stage de perfectionnement au centre de formation professionnelle de l’audiovisuel  de la CRTV. J’y suis formé en prise de son et, parallèlement, en réalisation et en montage aussi.
C’est après ce stage que je tourne mon tout premier court métrage, qui est réalisé et produit par moi, sous le titre La Serviette.  Il sera sélectionné au FESTEL (Festival de Télévision) et au Festival Écrans Noirs. Après La Serviette, je fais Un tour à Kumba, qui sera aussi sélectionné aux Écrans Noirs. Cela mis à part les films que je fais pour la chaîne de télévision Canal2international. Après Un tour à Kumba, je sors Amertume sucrée, puis Mi Ntchokni, un film en langue éton. Ntchokni c’est pour parler du subconscient. Mi Ntchokni gagne le grand prix au festival AS-CINE FESTI qui est organisé par la faculté des Arts du spectacle et de la cinématographie de l’université de Yaoundé I. Le film a été sélectionné aux Écrans Noirs et à la Nuit du court métrage. Par la suite, je tourne L’argent soigne la mort, qui a obtenu en 2012, au Festival de la Nuit du court métrage, le prix de la meilleure bande annonce et celui de la meilleure interprétation féminine au FEASCIVBA. Il s’agit là de mes films indépendants. Actuellement je suis en postproduction de mon film intitulé La poudre aux yeux. Nous sommes entrain de composer la bande originale. Je suis aussi acteur en ce moment dans une série diffusée sur Canal2international, Ex-silence, qui traite de la corruption, et est diffusée tous les mardis à 19h et rediffusée tous les jeudis à 15h30.
 
Q : À l’heure actuelle, vous avez réalisé combien de films ?
R : À l’heure actuelle j’ai réalisé six films, j’en suis à mon septième, en postproduction, avec La poudre aux yeux. Ensuite, viendra le premier long métrage que je vais réaliser et qui s’intitule In extrémis. Je pense commencer le tournage vers la fin d’année 2013, au mois de novembre. Je compte le tourner à Kribi, pendant dix mois, selon mon calendrier.
 
Q : Pourquoi écrire, réaliser et produire en langue française ?
R : Déjà parce que je suis francophone, c’est ma première langue. Avant de passer un film, il faut que je le produise dans une langue que je comprends, voilà la raison.
 
Q : Quel livre, déjà publié, souhaiteriez-vous porter à l’écran, si l’occasion vous était donnée ?
R : Un livre du professeur Gervais Mendo Zé, je crois que le titre c’est La forêt illuminée. C’est un livre qui m’a particulièrement marqué. Et, le livre d’Armand Claude Abanda, qui est le représentant résident de  l’IAI Cameroun. Le livre s’intitule Fils de prélat.
 
Q : Comment percevez-vous le cinéma au Cameroun ?
R : J’entends souvent dire que le cinéma est mort au Cameroun, je dis non, le cinéma n’est pas mort au Cameroun. À l’époque des Dikongué Pipa on tournait en pellicule. Aujourd’hui on est passé au numérique, il n’y a pas assez de production, de grande production en pellicule au Cameroun. Les gens travaillent pour passer à la télévision, il n’y a plus de salles de cinéma, la production cinématographique est statique, elle est restée où les anciens l’ont laissée. Nous, avec le numérique, on essaie juste de travailler au forceps pour que les gens n’oublient pas totalement le cinéma quoi !
 
Q : À votre avis, comment sortir de cette situation ?
R : Il faut que nous continuions de travailler, afin de gagner la confiance des hommes d’affaires. Ainsi, lorsque nous solliciterons leur sponsoring pour nos productions, il faudrait qu’ils soient capables de soutenir nos projets sans poser trop de questions du genre : est-ce que ça va marcher, est-ce que, est-ce que, est-ce que… Moi, chaque année je tourne et mes productions sont toujours appréciées. L’an passé déjà, j’ai bénéficié d’une aide du Ministère des arts et de la culture du Cameroun.  Le Ministère de la culture au Cameroun m’a apporté son soutien pour réaliser mon premier long métrage. Sur l’argent reçu (2.000.000 FCFA), j’ai pu déjà écrire le scénario… Ce soutien est la preuve que mon travail est apprécié, que le public aime ce que je fais, c’est un gage de confiance. Même comme ce n’est pas grand-chose, c’est une aide précieuse, obtenue grâce à mon travail. Il faut travailler tous les jours pour arracher cette confiance des gens au Cameroun.
 
Q : Selon vous, quelle place occupe le cinéma camerounais en Afrique ?
R : Selon moi, en Afrique, le Cameroun a les meilleurs techniciens qui soient. Quand on regarde le cinéma que font les camerounais, comparé à celui de je ne sais pas si vous voulez que je cite, le cinéma de certains pays… au Cameroun c’est le cinéma Nigérian, à cause de leurs histoires, c’est ça qui est plus apprécié. Mais quand on regarde le côté technique, en Afrique, c’est le cinéma camerounais qui est meilleur. Mais comme les histoires de sorcellerie captivent… Au Cameroun on ne regarde pas trop la sorcellerie et autre, davantage les histoires sociales, les amoureux qui trompent, il n’y a pas trop le côté… Donc le cinéma camerounais, pour moi, occupe le premier rang, en montage, éclairage, cadrage, jeu d’acteur etc… C’est le numéro Un.
 
Q : Comment ça se passe, pendant vos tournages ?
R : Je suis un réalisateur rigoureux, donc c’est difficile de travailler avec moi quand on ne sait pas ce que l’on veut et ou l’on est, et facile lorsque c’est le contraire.
 
Q : Quels soutiens avez-vous reçu pour la réalisation de vos films ?
R : Mis à part l’aide du Ministère des arts et de la culture, je n’ai reçu aucun autre soutien…
 
Q : Quelles difficultés rencontrez-vous pour la promotion et la projection de vos films ?
R : Pour l’instant, je n’ai pas encore organisé… Tout se passe actuellement dans les festivals. Il s’agit de voir comment le public accueille le film. Par la suite, j’organiserai la diffusion dans les salles…
 
Q : Quels sentiments vous animent face à la projection des films camerounais dans les centres culturels français et l’Institut Goethe ?
R : C’est d’abord une désolation, une déception... Ça fait comme si c’était un deuil. Je vous ai parlé de cinéma dans les salles… Alors qu’avant, quand il y avait des salles de cinéma… À l’agence ciné news distribution on organisait des projections des films camerounais chaque mois… Des étrangers qui viennent plutôt donner leur espace… mais bon comme on dit souvent ici, mieux vaut un que zéro.
 
Q : Vous êtes scénariste, acteur,  réalisateur et producteur. Comment cela s’explique-t-il ?
R : Au Cameroun, c’est difficile de trouver un scénario taillé à vos mesures. Je suis devenu scénariste parce que je voulais promouvoir une autre façon d’écrire, de proposer les choses aux gens… Acteur parce que moi-même j’ai commencé par-là, et réalisateur parce que les scénarios qu’on me proposait ne m’intéressaient pas et, je le voulais. Savoir-faire certaines choses que je vivais et écrivais, et que les gens ne comprenaient pas, comment faire pour les réaliser… Chaque fois que je proposais un scénario, les réalisateurs n’avaient pas d’idées sur la réalisation de certaines séquences et disaient que c’était couteux. J’étais tout le temps sollicité, pour des détails… En jouant dans des films, en dehors du jeu, j’y contribuais aussi comme réalisateur. Certains ont signé comme réalisateurs, alors qu’en fait c’est moi qui ai réalisé leurs films. C’est comme ça que je conciliais quoi… J’ai énormément appris en travaillant comme premier assistant. Enfin, je suis producteur maintenant parce que c’est difficile de trouver des producteurs. Tout seul, j’ai commencé à mettre les moyens afin que plus tard d’autres personnes puissent le poursuivre afin de faire de grosses productions.
 
Q : Tout réalisateur peut-il, s’il le souhaite, être également un scénariste ?
R : Oui, tout réalisateur peut être scénariste s’il le veut. Parce que lorsqu’on donne un scénario, le réalisateur peut le modifier, apporter des retouches pour rendre l’ensemble plus intéressant…
 
Q : En écrivant vos différents scénarios, vous pensiez déjà en faire des films ? Avez-vous pensé à vous faire publier ?
R : Cette idée ne m’est pas encore passée dans la tête. J’écris mes scénarios pour des films. Parfois je trouve le titre avant même d’écrire. Pour l’édition, c’est en fonction des opportunités qu’on rencontre, pour l’instant, j’écris juste pour le cinéma.
 
Q : Avez-vous d’autres scénarios, encore inédits ?
R : J’ai oublié Honneur bafoué, pendant que je citais mes films. C’est un de mes films encore… J’ai une panoplie de scénarios…
 
Q : S’il vous était possible de recevoir les mêmes garanties et les mêmes satisfactions pour la réalisation d’un film et la publication d’un livre, que choisiriez-vous ?
R : Le cinéma d’abord, je suis un passionné. Ce qui prime ce n’est pas l’argent c’est d’abord l’amour que j’ai pour le cinéma.
 
Q : Le cinéma, véritablement septième art pour vous ?
R : Le cinéma c’est d’abord l’art qui regroupe tous les autres arts. C’est l’univers, il y a tout ! C’est le package, c’est l’art par excellence, qui regroupe tout ! On peut faire le théâtre dans le cinéma… C’est le summum quoi !
 
Q : Quel genre de film vous intéresse le plus ?
R : C’est l’action, même comme les films que je fais actuellement n’ont pas encore d’action. L’action m’intéresse vraiment, c’est mon premier modèle. Après vient le drame.
 
Q : Avez-vous des modèles de scénaristes, acteurs, réalisateurs, producteurs ? Si oui, lesquels vous influencent ou pourraient vous influencer ?
R : C’est d’abord le rôle d’acteur qui m’a séduit dans ce métier. Quand j’étais très jeune j’avais une salle de vidéo, les gens payaient 100 francs CFA pour regarder des films… Côté acteur j’aime Jean-Claude Van Damme (qui a joué dans le film Double Impact) et comme réalisateurs, James Cameron et Steven Spielberg.
 
Q : Comment vos projets prennent-ils forme ?
R : Je suis là, je vis une scène dans la rue, je lis un livre ou écoute une chanson, je regarde un film, question de voir si je pourrais être inspiré… Après j’écris un scénario, je le présente à des collaborateurs. Par la suite, si je décide de produire le scénario, je fais un calendrier de tournage…
 
Q : Prévoyez-vous des changements idéologiques et esthétiques dans vos futures réalisations ?
R : Des changements directs, action au maximum. La mise en scène sera améliorée, les mouvements de caméra aussi, le jeu d’acteur !
 
Q : Trouvez-vous facilement vos collaborateurs, l’offre est-elle proportionnelle à la demande ?
R : L’offre est proportionnelle à la demande. On se soude les coudes pour que ça ce passe bien. Il n’y a pas de salaires colossaux, nous sommes en famille. Je travaille plus avec des connaissances, la plupart des acteurs aussi, je les connais déjà… Des fois ça change, mais on rencontre toujours certaines mêmes personnes, un peu comme Luc Besson avec Jean Reno, Jean Claude Van Damme avec les frères Quissi, Quentin Taratino et Robert Rodriguez et avec Antonio Banderas à leurs débuts. On travaille avec la famille après on voit s’il y a d’autres personnes qu’on peut intégrer…
 
Q : Quel est l’impact de vos films dans la société ?
R : C’est politique… Il y a des gens qui se reconnaissent dans mes films.
 
Q : Avez-vous un public d’abonnés ?
R : J’ai des personnes qui apprécient énormément ce que je fais… Il y a déjà un public qui s’intéresse à ce que je fais.
 
Q : Avez-vous connu des problèmes de censure ?
R : Non. Mais je sais quand même que dans mon film « L’argent soigne la mort », il y a une scène dans laquelle un sein se voit. Au Cameroun, les gens sont encore cloîtrés dans les sujets dits tabous. Quand les Noirs font ces choses-là… Les scènes d’amour, c’est là que  les enfants sont perdus. Mais quand ça vient du Blanc, ils regardent avec les enfants sans crainte pour leur perte.
 
Q : Vos différents films ont connu pas mal de publicité, vous avez même été couronné, comment avez-vous vécu ces moments ?
R : Je n’en revenais pas… De la joie et du bonheur !
 
Q : Quel est votre meilleur souvenir en tant que réalisateur ?
R : Le prix que j’ai eu pour Mi Ntchokni, dans un Festival organisé par les étudiants de la faculté des arts du spectacle et de la cinématographie en 2010. Moi qui n’ai pas fait des études en tant que réalisateur, moi qui suis en fait un autodidacte… Je n’étais même pas là. J’ai envoyé le film au festival, l’année précédente, il n’avait pas été sélectionné, mais Amertume sucrée, oui. Ce sont les étudiants qui l’ont vu et l’ont envoyé. Résultat, j’ai remporté le Grand prix. C’est mon meilleur souvenir. Un film de neuf minutes, fait en langue éton, sous-titré en langue française. Je me souviens également de ma nomination au festival international Vues d’Afrique à Montréal au Canada, cette année 2013.
 
Q : Vivez-vous de votre art ?
R : Je vis de la télévision. Il est bien vrai que je travaille à la télévision parce que je fais du cinéma. C’est la télévision qui me fait vivre. Mais, c’est le cinéma qui me fait travailler à la télévision et c’est le cinéma que je fais à la télévision.
 
Q : Le métier d’artiste est une occupation majeure, qui mène à la notoriété, dans de nombreux cas. Comment vos proches vivent-ils cela ?
R : Il y a un peu de jalousie… Vous êtes avec quelqu’un, constamment ensemble, puis il se crée une distance, à cause de vos occupations, ensuite il se met à vous calomnier, disant que j’ai la grosse tête… Peu à peu on commence à vous cataloguer ! On dit que vous êtes comme ça, que vous vous vantez déjà, que vous méprisez les autres… Certains sont méfiants.
 
Q : Êtes-vous victime de votre célébrité ?
R : Hummmmmmm (rires)… Il y a des jaloux quand même, je ne vais pas citer des noms là, des gens parfois qui… Si vous parlez de victime, c’est des gens qui ne savent pas ce qu’ils font là, dans le cinéma. C’est déjà un métier que j’ai choisi, donc pour moi c’est autre chose… Je suis reconnaissant que des pairs me nomment !
 
Q : Êtes-vous satisfait de votre parcours ?
R : Pour l’instant, je suis satisfait, mais… J’en veux encore ! Il faut toujours écrire avec majesté, on reconnaît quand même ce que je fais ! Et chaque fois, quand je suis dans un festival, j’ai toujours une inspiration qui vient à propos de la réflexion faite par le public.
 
Q : Parlant de festivals. Trouvez-vous qu’il en existe suffisamment pour promouvoir le cinéma camerounais ?
R : Au Cameroun ? Moi je prie toujours qu’il y ait un maximum de festivals. Mais pour l’instant, ceux qui sont là ne font pas la promotion du cinéma camerounais. Leurs promoteurs utilisent plutôt les réalisateurs camerounais pour chercher les partenaires étrangers. Ils distribuent les prix aux réalisateurs étrangers qui leur envoient les films et qui ne font pas forcement de bons films.
 
Q : Est-ce facile pour vous de participer à des festivals ?
R : Facile parce qu’il faut juste remplir une fiche d’inscription, fournir tout ce qu’on vous demande pour déposer votre film. Voir si le jury aussi apprécie, après on attend si on est sélectionné… Mais il y a des festivals où il est difficile de participer, par exemple comme à Vues d’Afrique. Vous remplissez la fiche d’inscription, vous l’envoyez, après on vous dit encore d’aller dans le site remplir à nouveau des fiches… On vous dit toujours, oui on a déjà reçu les photos, les extraits, mais remplissez la fiche d’inscription encore, alors que vous avez rempli déjà cette fiche et l’avez envoyée… C’est compliqué. FESPACO aussi c’est pareil, vous ne comprenez même pas ! Mais c’est aussi difficile de participer à plein d’autres festivals, parce qu’on demande 35 millimètres, beta, dv-cam et d’autres formats coûteux pour nous.
 
Q : Les femmes s’intéressent davantage au cinéma de nos jours. Plus seulement comme actrices, mais aussi comme scénaristes, réalisatrices, productrices… Comment percevez-vous cela ?
R : Avec beaucoup de joie. Déjà il y a Narcisse Wandji, le promoteur du festival MIS ME BINGA, qui encourage, qui met en avant la femme en tant que réalisatrice, et non plus seulement comme actrice… Moi j’apprécie beaucoup ces initiatives.
 
Q : Où vous voyez-vous ou espérez-vous être dans cinq ans ? Et le cinéma camerounais, par ricochet ?
R : Je me vois être à la dimension internationale, en tant que réalisateur/acteur. À Cannes, en train de recevoir la palme d’or, des césars, des oscars… Mon vœu c’est d’aller plus loin et de représenter le vert-rouge-jaune. Et que, pour parler de moi dans le cinéma, les gens disent : Voilà un acteur camerounais qui a réussi ! C’est la seule gloire que j’espère.
Dans cinq ans j’espère voir le cinéma Camerounais distribué et consommé par les Camerounais d’abord, ensuite par les cinéphiles du monde.
 
Mot de la fin : « Je vous remercie de vous intéresser à nous, cinéastes camerounais, à moi, à ce que je fais. C’est une joie immense, ça me redonne des forces et me permet de travailler. Vous avez interviewé Honoré Noumabeu qui est l’un des grands chefs opérateurs au Cameroun. Honoré Noumabeu c’est un papa dans ce métier, c’est l’un des meilleurs cadreurs, sinon le meilleur cadreur qui existe au Cameroun, c’est une joie immense de contribuer à ce projet. Je vous encourage à aller de l’avant, et merci infiniment.»

Auteur(s): Caroline MESSA WAMBÉ

Soumis par Caroline Messa Wambé le