Beti-beti. Badiaga

Art camerounais : Le cri de Dikongué Pipa

En regardant le film Badiaga de Jean-Pierre Dickongué Pipa sorti en 198[7], on ne peut qu’écraser davantage une larme pour la chanteuse Béti Béti. Artiste dont le talent est rehaussé dans cette production qui, au-delà de sa personne, sensibilise sur la lente mort qui guette tous ceux qui se déploient sur les sentiers de la culture au Cameroun.

Un pays pourtant serti de pépites que le monde nous envie et que nous persistons à broyer et à pousser à l’errance sur des théâtres mondiaux plus ouverts à eux. Au grand dam de tous ceux qui continuent de croire en eux et doivent guetter leurs prestations comme un affamé attend l’aumône alors même qu’il dispose d’un verger pouvant le nourrir ainsi que sa descendance sur plusieurs décennies. Ce sentiment, c’est le travail de M. Pipa et de son équipe qui nous le fait vivre. Ce n’est effet pas tant l’histoire de la petite Badiaga qui est originale. Ces histoires, on en compte de nombreuses dans les campagnes du Cameroun.

Détermination

Ce qui est frappant c’est le travail artistique de ce réalisateur qui a choisi le silence, la poids des traditions et l’art de bien utiliser la musique comme les balises d’une cinématographie dont la puissance est certaine tant elle soulève une émotion justifiée par le déroulé d’une intrigue savamment menée. On peut toujours pester sur la modicité des costumes et des décors, mais la qualité du son relève du haut niveau. Au cours d’une récente projection au Goethe Institut de Yaoundé dans le cadre du «Film Klub», le réalisateur a indiqué les souffrances qu’il a endurées dans la préparation et la matérialisation de ce projet. Projet qui a été l’objet du dédain des pouvoirs publics qui ne lui ont accordé aucun kopeck.

C’était sans compter avec la fougue et la détermination de son équipe qui s’était promise d’aller jusqu’au bout, fort sans doute de l’aura qu’avait eu le cinéaste avec une filmographie qui comprenait déjà «Muna Mouto ou l’enfant de l’autre» qui avait été récompensé au Fespaco par la plus grande distinction quelques années seulement auparavant.

En revoyant cette œuvre, l’on s’est rendu compte de la richesse de la culture camerounaise à travers des figures musicales (Roosevelt Eko, Emile Kangué, Pierre Tchana, John Sallé, Béti Béti), théâtrales (Kéki Manyo et AwoulaAwoula), de la radio (Daniel Zock Ambassa ou Jean-Claude Ottou) ou encore de la peinture (Jean-Marie Ahanda). Artistes dont les premiers bourreaux sont les producteurs qui n’en font qu’un essuie pied dans leur marche vers la fortune et la gloire. Dieu merci, Badiaga, l’héroïne ne meurt pas malgré ses tribulations et un environnement décidément austère. Un signe qui donne de l’espoir et qui plus que jamais invite à plus de respect et de considération pour un secteur aux fleurons certains et qui gagnerait être porté par une organisation professionnelle dans tous ses aspects. Le cinquantenaire ne constitue-t-il pas le moment idéal pour cogiter sur cette option ? A chacun de voir.

Parfait Tabapsi, 7 juillet 2012.

Lien URL : http://www.camerfeeling.net/fr/dossiers/dossier.php?val=3871_art+cameroun, page consultée le 29 juillet 2012.

Auteur(s): Recensions

Soumis par Caroline Messa Wambé le