Francis KENGNE: cinéaste d'origine camerounaise

Q : Comment s’opèrent vos débuts dans le cinéma ?
R : Personnellement, je commence à aimer le cinéma parce que je suis à la base poète et en tant que poète, je me rends compte que le livre africain n’est pas beaucoup lu, il faut que je trouve un moyen par lequel je pourrai davantage toucher pas mal de monde. C’est ainsi que je rencontre le cinéma.
 
Q : À l’heure actuelle, vous avez réalisé combien de films ?
R : Actuellement j’ai réalisé deux courts métrages, que j’ai écrit, produit et réalisé. Pour parler de ma filmographie, j’ai été premier assistant-réalisateur sur un autre court-métrage, d’un collaborateur, cinéaste camerounais. Premier assistant-réalisateur également sur un long métrage germano-camerounais et directeur casting sur un autre film, franco-camerounais, qui vient de finir, il y a juste quelques semaines. Je suis en postproduction pour mon premier documentaire intitulé Des maux métis, et j’ai aussi travaillé comme directeur photo et coproducteur sur un autre documentaire qui s’intitule Fan’s, de Gervais Djimeli. Documentaire qui a d’ailleurs été diffusé il y a quelques jours au grand festival de Yaoundé en Fête !
 
Q : D’autres réalisations suivront-elles ?
R : Evidemment ! Actuellement je suis en préparation de mon tout premier long métrage, qui traitera du tourisme camerounais. J’ai aussi deux autres projets. Le premier, franco-camerounais, débutera certainement au mois de mars. Le second est celui d’un confrère camerounais qui souhaite que je réalise son film. Ce sont les deux projets pour lesquels je suis sollicité pour le moment, et nous ne sommes qu’au début de l’année. En dehors de ces projets, j’ai mon long-métrage en préparation. J’espère pouvoir le tourner, si tous les moyens sont réunis, en novembre 2013.
 
Q : Pourquoi écrire, réaliser et produire en langue française ?
R : Parlant de ma langue maternelle, c’est sans prétention que je vous le dis, je ne m’en sors pas, je ne maîtrise pas vraiment toutes les techniques de cette langue. C’est vrai aussi que la langue française, je ne la maîtrise pas entièrement, mais au moins c’est la langue connue de tous ici, ce n’est qu’en français, que nous pouvons, au Cameroun, mieux nous comprendre. Du moins, pour le moment. C’est vrai que dans chaque scénario que j’écris, depuis mon deuxième film, j’essaie toujours de mettre la langue vernaculaire quelque part pour essayer d’identifier l’origine ou encore l’appartenance de ces films, et donc de référencer ma culture. Pour ce qui est du long métrage en préparation, je vous le dis directement, je suis en train de préparer un travail qui va me permettre d’inclure des langues vernaculaires camerounaises dans ce film. Il faut bien que je voyage à travers les peuples, à travers les différentes régions du Cameroun. Mais la langue française pour moi c’est juste parce que je n’ai pas d’autre choix. Dans les familles, c’est difficile de trouver un papa et une maman qui s’asseyent et qui enseignent à leurs enfants des langues vernaculaires. Beaucoup plus le français et l’anglais sont celles que nous maîtrisons véritablement.
 
Q : Quel livre, déjà publié, souhaiteriez-vous porter à l’écran, si l’occasion vous était donnée ?
R : Je dirai sans ambages Ville cruelle d’Eza Boto.
 
Q : Comment percevez-vous le cinéma au Cameroun ?
R : Il y a un certain engouement, la jeunesse s’active, quoi qu’on dise. Beaucoup de personnes commencent à croire qu’il existe véritablement de jeunes talents au Cameroun. Maintenant la perche est tendue pour que les pouvoirs publics, les institutions, les organismes et les entreprises puissent nous accompagner dans le dur travail qui est le nôtre. Sinon, pour nous, c’est un amusement constant, de façon incessante, nous nous amusons et en s’amusant on prend du plaisir à pouvoir communiquer, à pouvoir parler de nous, de notre histoire, parler de nos mœurs, du moins partager notre culture parce que ce n’est qu’à travers le cinéma que nous pouvons véritablement partager ce que nous avons.
 
Q : Selon vous, quelle place occupe le cinéma camerounais en Afrique ?
R : Je ne saurai qualifier la place du cinéma camerounais en Afrique parce qu’il n’y a pas de politique culturelle au Cameroun et à partir de ce moment, c’est difficile pour nous, acteurs de ce secteur, de donner la place de notre cinéma. Nous nous sommes rendus compte, lorsque les films camerounais passent dans les festivals, surtout en compétition, que ce sont des films hauts de couleur, riches en qualité. Je crois que pour cette année, il y a 44 films camerounais qui sont présélectionnés pour le FESPACO. Malheureusement, il y a aucun film, du moins je n’ai pas encore la véritable information, pour savoir s’il y a des films en compétition ou non. Toutefois, devant la diffusion de ces films, beaucoup sont intéressés. La société camerounaise est tellement riche, parce que nous sommes, comme nous le disons souvent et comme l’histoire aussi le reconnaît, l’Afrique en miniature. Nous avons plus de deux cents ethnies, c’est plus de deux cents cultures différentes. Et au sortir d’une grande fiction, quand on réussit à lier, à mélanger ces cultures-là, ce n’est que quelque chose de très fort qui en ressort. La place du cinéma camerounais, je dirai tout simplement que c’est une place qui pour le moment n’est pas encore définie mais dans cinq ans, on connaîtra véritablement quelle est la place du cinéma camerounais. Parce que contrairement au Nigéria qui a choisi de faire son cinéma pour attirer son public, le cinéma camerounais cherche encore ses repères.
 
Q : Le cinéma africain de même que la littérature africaine, d’ordre général, peint les réalités sociales des contextes géographiques auxquels l’œuvre se rattache. Comment percevez-vous cette étroite relation réel/imaginaire, que l’on reproche souvent aux réalisateurs et auteurs africains ?
R : C’est beaucoup plus au niveau des documentaires que personnellement, je mets un accent sur le réalisme. Mais dans mes fictions, je vais toujours chercher loin. C’est vrai que beaucoup de gens s’identifient dans ce que je fais, mais je vais chercher toujours un peu loin. Parce que si nous n’anticipons pas, nous ne pourrons pas construire une Afrique positive. Je prends l’exemple de la ville de New-Bell, avec ses tas de poubelles, ou encore ses tas d’ordures versées sur le trottoir, alors que nous sommes en train de combattre ce genre de choses. Pour moi il serait beaucoup plus important de présenter une ville de New-Bell qui donne envie à n’importe qui d’aller y vivre, de présenter une ville propre...
 
Q : Comment  se passent vos tournages ?
R : Il règne une ambiance très sereine. Surtout que dans la préparation, nous donnons, en fonction des postes réels des responsabilités et, chacun dans son entité connait et accomplit sa tâche. C’est sur cette base que nous descendons sur le terrain. Lorsque quelqu’un n’arrive pas à remplir véritablement ses fonctions, lorsque nous faisons le débriefing dans la soirée, on le ramène à l’ordre de façon à ce qu’il puisse prendre conscience qu’il n’a pas assuré au niveau de son poste, c’est aussi ça une équipe. Lorsqu’il y a un maillon faible c’est tout le monde qui est faible. Donc nous nous arrangeons de façon à ce que la force soit commune, que nous ne remarquons pas les fautes et les défaillances des uns et des autres. C’est donc véritablement en équipe que nous travaillons.
 
Q : Quels soutiens avez-vous reçu pour la réalisation de vos films ?
R : Jusqu’ici, toutes les productions que j’ai faites, toutes mes réalisations, je n’ai reçu aucun financement, que ce soit des institutions, du gouvernement camerounais, du Ministère de la culture... Nous nous battons pour faire avec le peu de moyens que nous avons et pour mémoire, il y a juste deux mois que j’ai reçu la dernière tranche du paiement par rapport à ma prestation dans un film produit en 2010. Du coup, c’est assez difficile pour nous de produire, heureusement que nous aimons ce que nous faisons... Nous nous lançons non pas en sachant ce que nous allons gagner, mais plutôt en nous posant la question de savoir : est-ce qu’à la fin le public sera satisfait de ce que nous faisons ?
 
Q : Quels sentiments vous animent face à la projection des films camerounais dans les centres culturels français et l’institut Goethe ?
R : C’est un sentiment de fierté. Quand je parle de sentiment de fierté, c’est parce que, personnellement, les deux films que j’ai écrit, produit et réalisé y ont été diffusés… Un grand standing ovation lors de la diffusion à l’institut Goethe. Mes films sont diffusés au centre culturel français, dans le cadre des festivals du cinéma, à l’instar de la nuit du court-métrage et du festival de Yaoundé. Donc il y a un engouement, il y a beaucoup de personnes qui ne rêvent que de faire du cinéma lorsqu’ils regardent le travail que nous faisons. Je voudrais signaler qu’il y a beaucoup de production au Cameroun mais très peu font des productions qui sont acceptables, qui respectent les normes internationales.
 
Q : Tout réalisateur peut-il, s’il le souhaite, être également un scénariste ?
R : Je ne le pense pas. Tout simplement parce qu’être scénariste, ce n’est pas une tâche facile. Ce n’est pas une évidence, mais au moins il faudrait que tout réalisateur soit à mesure de pouvoir lire entre les lignes, de pouvoir interpréter un scénario. Il faut que le scénario soit compris par lui, sinon sa vision technico-artistique peut être tronquée. Lorsque je signe scénariste et réalisateur, c’est tout simplement parce que l’environnement dans lequel je me trouve me le permet… Étant donné les moyens que nous avons ici pour la production, cet environnement ne nous permet pas de commander aisément ou encore de pouvoir acheter un scénario avant de le réaliser. Comme j’ai des compétences dans la scénarisation, je me lance, me disant qu’il faut que je le fasse, même comme c’est quelquefois difficile de convaincre certaines personnes… Avec les différents films que j’ai faits, j’ai eu la possibilité ou encore l’amabilité de rencontrer quelqu’un qui a apprécié ma façon d’écrire et c’est avec lui que j’écris mon premier long métrage…
 
Q : En écrivant vos différents scénarios, vous pensiez déjà en faire des films ? Avez-vous pensé à vous faire publier ?
R : Non, je n’écris pas pour être publié. C’est vrai que pour le moment, je suis en chantier avec mon premier roman, mais je n’ai pas la prétention de dire que je suis écrivain. Mais seulement, lorsque je prends ma plume en vue d’écrire un scénario, c’est que je maîtrise… Il faut qu’il soit réalisé.
 
Q : Avez-vous d’autres scénarios, encore inédits ?
R : Pour le moment, je ne peux pas vous donner le nombre exact, j’en ai beaucoup, au moins une vingtaine, de différents sujets, tels que la délinquance juvénile, le vol, les guerres de clans, les différents clivages qui existent entre « la jeunesse et la vieillesse »,… Là ça ce sont de thèmes que j’aborde dans les différents tableaux que je fais, parce qu’à partir du moment où j’ai du temps pour écrire, il vaut mieux que je le fasse et quand j’aurai la possibilité de produire, ce serait bien que je commence à produire véritablement et que je ne lésine pas sur les moyens.
 
Q : Le cinéma, véritablement septième art pour vous ?
R : Pour moi, c’est le premier, le summum de tous les arts parce que dans le cinéma on retrouve tous les autres arts. Il n’y a aucun art qui ne saurait trouver sa place dans le cinéma. Et quand on parle de septième art, il est au sommet. C’est vrai, il n’y a que le cinéma pour regorger, pour rassembler toutes les autres formes d’art, notamment la danse, le théâtre, la peinture, l’écriture… Tout se retrouve dans le cinéma. Et aujourd’hui, pour être contemporain, il faut savoir faire un savant mélange de ces arts-là pour proposer quelque chose qui soit acceptable, que ce soit du point de vue d’un plasticien, du point de vue d’un écrivain, d’un dramaturge, de l’homme de la rue… Il faut vraiment que tout puisse se retrouver dans le cinéma, étant donné que nous avons pris l’habitude de définir le cinéma comme étant la culture d’un peuple, il est essentiel que tout ce qui est culturel passe par le cinéma.
 
Q : Quel genre de film vous intéresse le plus ?
R : Je n’ai pas de préférence pour un genre particulier, parce qu’à la base je suis poète, et c’est par la poésie que je fais passer mes messages.
 
Q : Avez-vous des modèles de réalisateurs, producteurs ? Si oui, lesquels vous influencent ou pourraient vous influencer ?
R : Oui ! Celui qui personnellement m’influence, pour parler du cinéma camerounais, c’est Jean-Pierre Bekolo. C’est quelqu’un dont la force du travail, la force de la pensée, la cohésion dans ses plans et la façon avec laquelle il réussit à passer son message, me séduisent énormément. A côté de lui, pour parler de l’Amérique, j’affectionne beaucoup ce que fait James Cameron.
 
Q : Trouvez-vous facilement vos collaborateurs, l’offre est-elle proportionnelle à la demande ?
R : Pour la plupart d’entre eux, nous avons déjà travaillé ensemble, et pour ceux avec lesquels je n’ai pas encore travaillé, je demande toujours à voir non pas leur CV, parce qu’il y a beaucoup de personnes qui mettent plein d’informations dans les CV qui n’ont pas de sens. Elles mettent des informations dont parfois elles-mêmes n’ont pas connaissance… Du coup j’aime toujours prendre les supports de ceux qui disent avoir fait des travaux, et j’apprécie ces travaux. C’est sur la base de ces travaux que je décide de leur faire confiance avant qu’ils fassent de tests supplémentaires.
 
Q : Comment vos films sont-ils perçus par le grand public ?
R : De façon générale, mes films sont appréciés. Surtout mon premier film, sur un fait de société. Beaucoup de personnes se sont reconnues dans les personnages et aspects du film, ce qui m’a véritablement surpris. Pour mon deuxième film, j’ai traité du sida, j’ai eu une certaine démarche, parce qu’en fait j’avais choisi de banaliser le sida, je ne comprends pas comment est-ce que de nos jours il y a beaucoup de campagnes qui sont menées pour amener les gens à comprendre que le sida tue alors qu’à côté, il y a le paludisme qui tue plus que le sida, le cancer, le diabète aussi… Pour moi il était donc question de banaliser le sida, de montrer que c’était un mal qui peut se vivre comme un autre… Il fallait que l’on repense la façon dont le sida est perçu. Pour moi ça a été beaucoup plus une expérience quand je me suis lancé. Le public n’a pas réagi comme je le pensais… Cependant, lorsque les gens regardaient le film une, deux, trois fois, ils me disaient : enfin, j’ai compris ! C’est un peu comme ça que ce film a été apprécié.
 
Q : Avez-vous un public d’abonnés ?
R : Je pense qu’il y a une centaine de personnes qui suivent essentiellement mes travaux. Mais, lorsque je fais un film, ce n’est même pas pour eux en fait. Je fais un film juste parce que j’ai un message à passer, et quand je le fais c’est parce que le message c’est pour toutes les couches sociales, que ce soit les vieux, les jeunes, les enfants… Pour moi il est important que tous se retrouvent, qu’à côté de ma réflexion, mon regard, ma vision des choses sur le sujet traité, chacun trouve son mot à dire. Pas forcément selon mes prises de positions, mais que quelqu’un qui le regarde jusqu’à la fin, ait son mot à dire sur tous les films que j’ai déjà présentés.
 
Q : Avez-vous connu des problèmes de censure ?
R : J’ai des collaborateurs qui ont connu des problèmes de censure, mais moi pas encore. Certainement parce que je ne suis pas encore allé titiller le gouvernement camerounais là où il faut, ou aussi parce que je n’ai pas encore présenté de façon crue la nudité du corps de l’Homme qui pour moi est sacrée. Dans mes travaux, j’essaie tant bien que mal, en tant qu’Africain, de revendiquer mon africanité, ma culture africaine. C’est vrai qu’aujourd’hui il y a la promiscuité, mais il faut que chacun d’entre nous, dans son travail, puisse permettre qu’on l’identifie. Toutefois, je serai beaucoup flatté de savoir que j’ai été censuré parce que j’ai touché un sujet qu’il ne fallait pas... J’aimerais bien mettre à mal plusieurs personnes, plusieurs institutions.
 
Q : Vous êtes installé au Cameroun, à Yaoundé plus précisément, est-ce exact ?
R : Je suis installé à Douala. Mais l’association cinéma du Cameroun, à laquelle je suis rattaché et avec laquelle nous avons lancé la plateforme cinemaducameroun.com, a son siège social à Yaoundé. Je suis par conséquent constamment entre Douala et Yaoundé, mais, je vis, réside et travaille beaucoup plus à Douala qu’à Yaoundé.
 
Q : Vivez-vous de votre art ?
R : Oui. Je le dis sans ambages, je vis de mon art.
 
Q : Le métier d’artiste est une occupation majeure, qui mène à la notoriété, dans de nombreux cas. Comment vos proches vivent-ils cela ?
R : Les débuts ont été très difficiles… Je me souviens de ce qu’un grand-frère du cinéma m’avait dit, pour reprendre ses mots : « mon petit si tu penses pouvoir faire du cinéma, bienvenue dans le monde de la pauvreté.» C’est en ces termes qu’il s’était exprimé et ça a été un choc pour plusieurs personnes de mon entourage, de ma famille même, des personnes directes, de se rendre compte que j’avais abandonné tout ce que je faisais, pour me consacrer uniquement au cinéma. Ça n’a pas été toujours facile et pour moi, c’est l’envie, la passion, la détermination, qui m’ont poussé à faire ce métier, à être ce que je suis entrain de devenir… C’est tout simplement pour leur démontrer qu’ils avaient tort de penser qu’en faisant le cinéma, je devrais mourir de pauvreté. Je sais ce que je fais et je l’assume pour amener aussi les autres à comprendre qu’on peut être artiste et vivre de  son art.
 
Q : Êtes-vous victime de votre célébrité ?
R : Pas du tout ! Mon nom peut-être oui, mais la plupart des personnes ne me connaissent pas. C’est parfois risible, à certains moments. Lorsque je me présente devant quelqu’un, je lui donne mon nom, Francis Kengne, il pouffe d’abord de rire, il se moque de moi, après il dit sérieusement, est-ce que c’est toi Francis Kengne, quand je dis oui, il est tout surpris parce que pour lui Francis Kengne c’est une personne importante, qu’il n’avait pas imaginé rencontrer au bout de la rue. J’aime être effacé, aussi. Il n’y a que lorsque je suis en plein tournage, que les gens essaient de se familiariser avec moi, de m’approcher… Et j’aime beaucoup discuter avec les gens, pour moi c’est très important, le contact… Les ambiances festives je ne les aime pas trop, je suis quelqu’un entre « de timide et de réservé », donc pour moi, je ne sais pas si je peux le dire ainsi : la notoriété, je ne l’ai pas encore.
 
Q : Êtes-vous satisfait de votre parcours ?
R : Je pense que je ne suis qu’au début, je n’ai pas véritablement un parcours, je cherche encore mes marques. Je me dis qu’il est important que je puisse me tailler une place dans la cour des grands, sauf que pour le moment, je suis un artiste qui est entrain de naître, comme j’aime souvent le dire.
 
Q : Parlant de festivals. Trouvez-vous qu’il en existe suffisamment pour promouvoir le cinéma camerounais ?
R : Pas véritablement. Au pays nous avons, à ma connaissance, quatre festivals, parmi lesquels le festival Écrans Noirs qui est le plus grand festival du cinéma de la zone francophone. Mais nous avons des festivals comme le Festival du documentaire, qui prend tous les genres et qui ma foi fait un travail assez osé pour démontrer qu’il y a du potentiel, qu’il y a du talent et un public qui veut suivre ce qu’on fait. Tout à côté, pour parler de fiction, il y a deux festivals de courts métrages, notamment la nuit du court métrage, qui fait ce même type de travail… Il y a les rencontres internationales du film court, à Yaoundé, qui fait aussi le même travail. Véritablement donc, il n’y a pas beaucoup de festivals au Cameroun, bien que les gens se plaisent à dire le contraire, se créent des festivals… Mais encore il faudrait que les promoteurs comprennent la nécessité de créer un festival. On ne crée pas un festival juste par plaisir, plutôt parce qu’il y a des choses qu’il faut présenter, il y a des gens qu’il faut rencontrer, il y a ce carrefour d’échanges qu’il faut valoriser.
 
Q : Est-ce difficile pour vous de participer à des festivals ?
R : Les festivals internationaux, oui ! Mais les festivals nationaux, c’est facile d’y participer. Le problème avec les festivals internationaux, c’est que les cinéastes camerounais n’ont pas les informations sur ces festivals… C’est ce à quoi nous avons pensé avant de lancer notre plateforme cinémaducameroun.com, c’est que nous recherchons désormais les différents festivals qui existent et nous communiquons les films pour que le public, les cinéphiles camerounais et les cinéastes surtout, puissent connaître l’existence de ces festivals et si possible envoyer leurs films.
 
Q : Comment votre jeunesse est-elle perçue dans ce milieu ?
R : Ce n’est pas du tout facile d’être accepté par les pairs. Certaines personnes ont l’impression qu’on est dans une espèce de réseau. Mais, pour moi, et d’ailleurs pour ceux qui me côtoient, c’est beaucoup plus la passion, le travail, l’amour pour le cinéma, qui sont mis en avant. C’est la raison pour laquelle je n’ai aucun souci à m’intégrer que ce soit sur un plateau de jeunes ou un plateau de vieux.
Pour ce qui est de la jeunesse à proprement parler… Étant donné que le numérique a pris le dessus, parce qu’il est plus facile de produire chez nous avec des outils numériques… À partir du moment où c’est donné à n’importe qui d’avoir une caméra vidéo sous la main, étant donné que les anciens avaient travaillé dans le sens où faire du cinéma n’était pas une histoire de pauvres, nous nous sommes dit qu’il fallait mettre l’accent sur la vidéo pour pouvoir proposer mieux, pour pouvoir montrer à la face du monde ce que nous pouvons faire. C’est donc grâce au numérique, grâce à la vidéo, que nous produisons beaucoup plus. En fait, très peu ou presque pas de films tournés au Cameroun sont tournés avec le format cinéma. Beaucoup de films sont tournés en vidéo. Et c’est donc par la suite que certains font le transfert pour obtenir le format cinéma.
Nous avons il y a quelque temps lancé une plateforme cinemaducameroun.com qui fait la promotion du cinéma camerounais. Et partant de là, j’ai plusieurs vieux du cinéma camerounais, notamment des patriarches, à l’instar de Paul de la Croix Edimo Dikobo qui ont fait de moi la personne indiquée pour discutailler de leurs contrats. Je suis une sorte d’agent, l’agent de plusieurs personnes au Cameroun.
 
Q : Les femmes s’intéressent davantage au cinéma de nos jours. Plus seulement comme actrices, mais aussi comme scénaristes, réalisatrices, productrices… Comment est-ce que vous percevez cela ?
R : Pour moi c’est une bonne chose, parce que cela permettrait le développement du genre féminin, cela permettrait qu’au niveau des droits de l’Homme, l’on comprenne pourquoi on dit que « la femme est égale à l’homme en droit et en devoir.» En dehors de la morphologie, pour moi il n’y a pas de différence entre un homme et une femme. Nous sommes tous des êtres humains, nous avons tous la même capacité, les femmes peuvent, au même titre que les hommes, créer, susciter des envies. D’ailleurs, j’ai un sujet de documentaire en préparation sur le sujet, que j’ai du arrêter afin de me concentrer sur le long métrage. Je ferai  un documentaire qui pour moi est une peinture sociale, où je révèle à la face du monde des femmes camerounaises très entreprenantes, qui ont entrepris beaucoup plus que les autres, en s’entêtant, parce que la société n’a pas accepté qu’elles s’engagent dans ce combat… Mais, au final, on a fini par accepter leur intégration, on les a prises comme telles, parce qu’elles ont prouvé qu’elles avaient de la niaque, du courage, de la volonté, qu’elles avaient la possibilité de faire ce dont elles avaient envie. Elles ont démontré qu’elles étaient, au même titre que les hommes des personnes à part entière. Pour moi, des femmes réalisatrices, c’est fabuleux ! Le projet français dont j’étais directeur de casting, c’est une jeune fille de vingt-quatre ans qui était réalisatrice sur le plateau. Elle s’appelle Françoise Ellong. Pour moi c’était touchant de voir une petite sœur venir sur le plateau et le diriger de la même façon que moi je le dirigerais. J’ai été séduit et ça m’a encouragé dans mes convictions, mes pensées, parce que pour moi la femme n’est pas différente de l’homme.
 
Mot de la fin : « Tout ce qui se rapporte au cinéma m’intéresse… Merci de l’intérêt pour ma personne.»

Auteur(s): Caroline MESSA WAMBÉ

Soumis par Caroline Messa Wambé le